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Seeing things from afar since 1996


Journal de cure

PREMIER JOUR

Jamais je ne me serais cru capable de m’inscrire à une cure numérique “détox” ; je ne sais même pas comment j’ai pu recevoir l’offre spéciale dans ma boîte aux lettres. D’habitude, je fuis ces endroits et ces retraites comme la peste. Mais, comme il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis (et que je ne me suis jamais trouvé trop bête), me voilà, planté raide sur les sols impeccables et miroitants d’un bâtiment plutôt minimaliste, tout en blanc et en beige. En m’offrant une boisson de bienvenue (une sorte de smoothie aux épinards, pas terrible, mais j’étais affamé), un employé en livrée de lin m’a fourré un autre flyer dans la main, détaillant le programme des prochains jours. Suivant le plan établi par la (autoproclamée) géniale spécialiste de la santé Deirdre, un gourou ou quelque chose comme ça, les autres membres et moi-même allions suivre un régime intense de sport, de yoga, de méditation et d’autres occupations comme la peinture, la lecture ou l’observation des nuages et des oiseaux. Regarder le temps qui passe pour oublier son téléphone, quoi.

Sept personnes attendaient avec moi dans le hall impressionnant, paré de boiseries fines et d’encens capiteux. Un couple de touristes, fraîchement débarqués dans la région, me semblent les plus sympathiques. A leurs côtés, il y avait aussi un sportif fanatique et trop bavard qui ne cessait de parler de produits pseudo-nutritionnels et de régimes, et une universitaire à l’air ennuyé qui ne paraissait pas vraiment savoir pourquoi elle était là. Un peu plus loin, un individu étrange tapait furieusement sur son téléphone, essayant sans doute de passer le plus de temps possible devant son écran avant le début du programme ; il jetait des coups d’œil furtifs de partout, une expression méfiante colorant le fond de ses yeux. Derrière moi était assis notre plus jeune membre, un adolescent aux soupirs plus lourds que le plomb. Il n’est clairement pas là pour son esprit vif et ses charmes adorables ; en fait, son seul trait de personnalité est peut-être son caractère insolent.

Notre hôtesse, la fameuse Deirdre, a fini par sortir d’une porte dissimulée, nous accueillant à bras ouverts. Son sourire est radieux ; tout son être rayonne d’énergie positive. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un avec des cheveux d’un roux aussi vibrant et des traits aussi chaleureux ; elle m’inspire une confiance totale. Elle nous a guidés avec aise au travers des couloirs labyrinthiques et des escaliers tortueux (“le bâtiment est conçu pour qu’on ne s’y retrouve pas, mais vous verrez, c’est si intuitif qu’on arrive toujours là où on est censé être”), en nous divertissant avec son esprit enchanteur et ses rires cristallins. L’un après l’autre, elle nous a déposés au pied de nos chambres, nous donnant à chacun quelques mots d’encouragement ; son regard vous balaie tout entier, vous mettant à nu devant elle. On aurait dit qu’elle nous confiait une mission cruciale, de la plus haute importance, et qu’elle ne doutait en aucun cas de nous, bien que nous soyons de parfaits inconnus. Ce n’était pas si désagréable, somme toute.

La porte s’est refermée derrière moi. J’ai découvert ce que seraient mes quartiers durant ces prochains jours : une pièce stérile, blanche et vide de tout élément distrayant. Un lit, une table, un bureau et une chaise ; tels étaient les seuls meubles, à part le placard et la minuscule salle de bain. Sur la petite console en chêne se trouve l’élément le plus important de cette retraite, comme nous l’a expliqué Deirdre : une boîte en bois, scellée par un minuscule cadenas qui ne peut être ouvert qu’avec notre empreinte digitale. J’ai soupiré (peut-être un peu trop fort) en lançant un dernier coup d’œil à mon écran adoré. Il est temps. J’ai donc déposé mon téléphone dans le coffret, et l’ai verrouillé à double tour. Je ne dois en aucun cas ouvrir cet écrin avant la fin de la retraite (c’est du moins ce que Deirdre a dit, et elle a l’art et la manière de persuader toute son assemblée).

DEUXIÈME JOUR

Je ne me fais pas vraiment à cette histoire d’écriture. Deirdre a suggéré que nous tenions un journal de notre séjour ici ; ça me fatigue d’avance. Mais je finirai par m’y habituer. Peut-être même continuerai-je après cette semaine (si je ne retombe pas dans mes mauvaises habitudes).

Je n’ai pas très bien dormi, la nuit dernière. Je suppose que je devais être tendu, ou trop excité, parce que le lit est l’un des plus confortables dans lequel j’ai eu le plaisir de dormir. J’ai dû rêver ; je ne me souviens pas de grand-chose à part des cris étranges et un bruit sourd. Un cauchemar, sûrement.

La journée s’est déroulée sans encombre. Au petit-déjeuner, je me suis installé avec le couple, Robin et Jamie. Ils sont globe-trotters, et ont déjà visité le monde entier, on dirait. Ils voulaient faire quelque chose de différent pour ce voyage-ci ; ils n’ont jamais participé à des cures de santé, tout comme moi. J’ai essayé de saluer l’étrange individu d’hier (Ezra, peut-être ? Quelque chose comme ça), mais il est presque tombé de sa chaise quand je lui ai dit bonjour. Il a à peine répondu et s’est remis aussitôt à griffonner ses élucubrations absconses dans son petit carnet. C’est peut-être un journaliste, je ne sais pas ; je vais faire de mon mieux pour rester loin de lui, pour l’instant. L’adolescent insolent d’hier n’est pas resté longtemps ; je n’aurais même pas eu le temps de retenir son nom. Deirdre nous a informés qu’il était parti à l’aube, juste avant le petit-déjeuner. Apparemment, dès qu’il avait été renvoyé dans sa chambre pour la nuit, il avait appelé ses parents pour qu’ils viennent le chercher.

La journée s’est déroulée lentement ; j’avais oublié à quel point je pouvais m’ennuyer sans ce petit smartphone dans la main en permanence. Nous avons fait une randonnée la journée, puis nous sommes revenus pour le dîner, mais c’était si agréable ! Je n’aime pas marcher, mais je suppose que lorsqu’on est en bonne compagnie, on a tendance à ne pas trop y penser. On a grimpé le col rocheux qui surplombe notre résidence ; la vue était à couper le souffle. Des kilomètres et des kilomètres de verdure, de forêts et de champs de fleurs bigarrées s’étalaient à nos pieds, sous un azur éclatant de lumière ! C’était quasi parfait. Et le pique-nique qu’on avait emmené n’était pas moins excellent. Même dans mon état d’épuisement actuel, je dormirai comme un loir ce soir.

Le dîner n’a pas manqué de drôlerie non plus. Je me suis assis avec mes nouveaux amis, et nous avons été rejoints par notre fou de santé d’hier, Julian. A ce qu’il dit, il aurait suivi une dizaine de régimes au cours de ces derniers mois, mais je ne sais pas vraiment pourquoi, puisqu’il n’a déjà plus que de la peau pour recouvrir ses os et ses muscles trop saillants. Il n’a pas cessé de jacter (mes oreilles en bourdonnent encore), passant en revue tous les suppléments qu’il prend, le programme d’entraînement qu’il suit actuellement, ses objectifs, et je ne sais quoi d’autre. Je crois qu’il cherchait l’approbation de notre hôtesse, qui n’a répondu que par hochements de tête polis toute la soirée. Au moins, je n’étais pas le seul à m’ennuyer à mourir dans cette conversation !

J’ai passé le reste de la soirée à me promener dans les jardins avec Robin et Jamie. L’un est écrivain, je crois, et l’autre avocat ; ils prévoient de se marier plus tard, quand ils auront le temps. Ils ont beaucoup de succès, à tel point que c’en est presque frustrant. Robin imitait Julian à la perfection, et Jamie avait des plaisanteries assez tordantes à partager. Je pense que je passerai plus de temps avec eux dans les prochains jours.

TROISIÈME JOUR

Julian n’était pas au petit-déjeuner ce matin. Il serait tombé et se serait cassé le poignet pendant un entraînement nocturne, en montant et en descendant les escaliers (“c’est tellement bon pour le cardio !”, je l’entends encore se vanter). Il a été transporté à l’hôpital le plus proche et ne reviendra pas avant la fin du séjour.

On a passé la matinée dans une immense bibliothèque. On a eu le droit de choisir autant de livres qu’on voulait, et même d’en ramener quelques-uns chez nous. Dans une autre vie, ça aurait été le paradis pour moi, mais j’ai eu trop de mal à me concentrer sur les pages. Mon esprit n’arrêtait pas de divaguer. Les mots se mélangeaient devant moi et je ne pouvais pas empêcher mon regard de sauter des lignes, de se promener dans la pièce. Ce n’était pas très agréable, de tanguer, comme ça, entre un ennui intense et la folie, au bord de l’abandon.

L’universitaire désintéressée (je crois qu’elle s’appelle Adeline) passe de plus en plus de temps avec Ezra, qui devient décidément de plus en plus singulier. Je les ai vus chuchoter toute la matinée. Ils s’arrêtaient dès que quelqu’un s’approchait d’eux, comme si ce qu’ils se disaient était à traiter comme un secret d’Etat. Bon, ils ne font de mal à personne, je suppose.

L’après-midi était dédiée à se prélasser au milieu des jardins florissants du domaine. Je ne les avais jamais vus à la lumière du jour ; c’était superbe. Je ne peux pas nommer un quart des plantes qui s’y trouvent, mais je n’ai jamais été très doué avec la végétation. Je ne sais pas si mon téléphone me manque, ou si tout me semble plus vif et plus brillant, mais les couleurs étaient ahurissantes. J’ai passé des heures à regarder le ciel, les oiseaux et la vie qui se déroulait dans cet endroit magique, laissant le temps s’écouler en me concentrant sur les plus petits détails et les plus petites vies.

Je vais bientôt aller me coucher ; j’écris pour essayer d’oublier mon écran. Je pourrais bien ouvrir la boîte pendant une minute, non ? Personne ne le saurait à part moi. Mais, si je le fais, je me sentirais mal ; je n’aime pas tricher. J’ai parfois l’impression que le minuscule coffret m’appelle. J’entends des alarmes et le tintement insistant de notifications, mais je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit réel. Je dois être en train de délirer, d’exagérer.

QUATRIÈME JOUR

Je suis content de ne pas avoir cédé hier soir ! Je me suis réveillé avec le sentiment d’avoir franchi un énorme obstacle. Je ne peux pas en dire autant de Robin, qui avait l’air complètement déprimé au petit déjeuner. Jamie n’était pas là, il était indisposé, ou du moins c’est ce que Robin m’a dit. Il avait l’air fatigué ; la nuit n’a pas dû être de tout repos. Je ne sais pas trop quoi penser de tout cela. Ils vont bien ensemble, ces deux-là. Je ne voudrais pas qu’il se passe quelque chose entre eux.

Le reste de la journée s’est déroulé sans incident. Après une courte séance de yoga, nous avons eu un cours d’introduction à l’aquarelle. Je ne suis pas un grand artiste.

Tout le monde est allé se coucher juste après le dîner, bien qu’il soit encore assez tôt. J’ai pu profiter des jardins éclairés par le crépuscule tout seul. Le coucher de soleil était incroyable, une véritable explosion de vie. Je ne suis pas resté très longtemps, je suis complètement drainé. Je dois me lever beaucoup plus tôt que d’habitude, et mon corps a du mal à s’adapter à ce nouveau rythme ; mais peut-être y arriverai-je, à terme.

Une chose étrange a attiré mon attention. Alors que je regagnais ma chambre, plus desséché et assoiffé que jamais, j’aurais juré entendre des cris apeurés, de l’autre côté de la résidence. Qui diable s’époumonerait à une heure aussi tardive ? On entendait aussi des crissements, des martèlements, comme des griffes contre du métal, de la corne contre de la tôle, des corps ennemis qui s’affrontent dans une lutte sans pitié. Étrange, tout simplement étrange.

CINQUIÈME JOUR

Je commence à voir les effets de la cure. Mes mains absentes ne fouillent plus mes poches, et je ne m’ennuie plus autant qu’avant. Est-ce l’heure de crier victoire ? Ce régime doit fonctionner à merveille si j’obtiens déjà des résultats. Il reste encore quelques jours et, si je ne me trompe pas, le plus dur reste à faire, mais j’ai confiance.

Notre curieux journaliste est parti pendant la nuit. Je crois. Il n’était pas présent ce matin, et Deirdre n’a rien dit à son sujet. Ils ont dû se brouiller, tous les deux, j’ai vu dès le début que cet Ezra ne présageait rien de bon.

Nous ne sommes plus très nombreux, et je crains que mes partenaires restants ne soient pas de la meilleure compagnie. Robin ne m’a pas adressé un mot depuis hier matin. Il passe sa journée à se morfondre et à regarder dans le vide, muet et anxieux. J’espère qu’ils vont se réconcilier, Jamie et lui, et qu’il retrouvera un soupçon de sa gaieté habituelle. Adeline, toujours aussi ennuyée, n’est pas très bavarde non plus. On dirait qu’elle n’a pas dormi depuis des lustres ; les cernes (voire les valises) sous ses yeux ne cessent de grossir. Je lui ai suggéré d’essayer la mélatonine ; j’en prends depuis le début de la cure et je ne me suis jamais senti aussi frais, énergique même ! Elle a hoché la tête et m’a adressé un vague sourire, mais ses yeux n’étaient pas tout à fait là.

Je les ai laissés dans leurs désespoir et végétation respectifs, et j’ai passé l’après-midi à méditer avec Deirdre. Je n’aime pas trop cet exercice, c’est une sieste glorifiée. Mais, pour une fois, les heures ont filé comme de l’eau entre mes doigts. Guidé par elle, je me suis senti quitter mon corps pour des dimensions plus élevées, quasi astrales ; je dirais même que j’ai frôlé l’illumination (je plaisante, bien sûr, mais il aurait été drôle de trouver le Nirvana du premier coup, non ?). Lorsque je suis revenu à la réalité, je me suis rendu compte que je n’avais pas été aussi présent, aussi détendu depuis des mois, voire des années.

Toutefois, je dois l’avouer : ma volonté a failli faiblir à nouveau ce soir. Ma main a effleuré par inadvertance le coffret qui emprisonne mon téléphone et elle y est restée collée, comme un aimant. J’ai tendu la main pour ouvrir le loquet mais, à la dernière seconde, je me suis retenu. C’est un peu cliché, mais une forte rafale de vent s’est engouffrée dans ma chambre, faisant voltiger toutes mes affaires. Je me suis arrêté net. Je me suis couché peu après avoir remis de l’ordre dans la petite pièce, tremblant et un peu en colère contre moi-même. J’ai entendu le même bruit sourd qu’avant, un peu plus proche, alors que je me glissais sous les couvertures. C’est infernal. Demain matin, je demanderai à Deirdre de quoi il s’agit, elle saura sûrement ce qui se passe.

SIXIÈME JOUR

J’ai eu une interaction des plus étranges avec Robin, ce matin. Il était sur le point de partir, ses valises étaient prêtes et attendaient sagement dans le hall. Il m’a dit qu’il partait, qu’il en avait assez et qu’il me souhaitait bonne chance. Apparemment, Adeline s’était éclipsée pendant la nuit, elle était tombée malade ; il n’avait pas l’air de croire ses propres paroles. Je me suis mordu la lèvre pour ne pas demander de nouvelles de Jamie, je ne voulais pas remuer le couteau dans la plaie. Je lui ai demandé ses coordonnées, ou au moins un numéro de téléphone, pour que nous puissions rester en contact par la suite, mais c’était comme s’il ne m’écoutait pas. Il regardait autour de lui, comme pour s’assurer que nous n’étions pas épiés. Alors qu’il s’apprêtait à prendre ses sacs et à partir, il s’est retourné, la bouche ouverte pour me dire quelque chose ; aucun son n’en est sorti. Il a finalement tendu une petite carte sur laquelle était griffonnée son adresse email, marmonnant quelque chose du genre “Je serais ravi de rester en contact avec toi, si jamais on en a l’occasion”, puis il a franchi les hautes portes à toute vitesse. Je n’en ai pas tenu compte. Il n’était manifestement pas au mieux de sa forme ces derniers jours.

C’est le dernier jour de la cure, je dois partir demain matin. Je suis le seul à rester, délaissé dans cette immense propriété. J’ai sauté sur l’occasion lorsque Deirdre m’a proposé de faire une promenade, en tête à tête, cet après-midi. Ses cheveux roux scintillaient sous le soleil doré, étincelant comme les flammes d’un brasier. Je suis fasciné par sa chaleur et par sa sagesse. Elle n’a dit que quelques mots, comme pour m’encourager. “La dernière nuit est la plus difficile”, m’a-t-elle dit, un rire caché dans ses petites fossettes. “Mais tu as du potentiel. Ne te laisse pas faire.”

J’en ai souris. Ma détermination a déjà été mise à l’épreuve, et j’en suis sorti plus fort que jamais. Elle a étendu sa bouche en un sourire sec, le plus grand que je l’ai vu offrir à quelqu’un, ses dents plus blanches que blanches scintillant dans l’air saturé de pollen. “On verra, alors”, a-t-elle gloussé en tournant les talons, me laissant seul avec mes pensées.

J’ai passé le reste de la journée à explorer une dernière fois les moindres recoins de la propriété. J’ai beaucoup apprécié cette cure, et je suis bien décidé à en profiter au maximum.

SIXIÈME NUIT

Je me suis réveillé en sueur. Un raclement sourd cogne contre les murs ; je ne sais pas ce que c’est, mais ça n’a pas l’air très joyeux. Je n’ai vraiment pas envie d’ouvrir la porte.

Mon téléphone sonne dans sa petite boîte. J’essaie de l’ignorer, mais je n’y arrive pas. Ça hurle dans ma tête, mais c’est impossible, ça doit être un cauchemar, ou quelque chose comme ça.  Mon corps bouge tout seul. Je suis sorti du lit, j’essaie de trouver un verre d’eau, un peu d’air frais, quelque chose pour me tirer de ce mauvais rêve, mais je n’ai réussi qu’à atteindre le bureau. Ma main s’est posée sur le coffret ; je ne peux pas l’arrêter. Je ne peux plus rien faire.

Lentement, très lentement, péniblement, j’ouvre la boîte. Elle gazouille lorsque mon pouce effleure la serrure, et grince lorsque le couvercle glisse enfin vers l’arrière. Au milieu, là où je l’ai laissé, mon écran affiche une seule nouvelle notification : un texto d’un numéro que je ne reconnais pas. Le martèlement est devenu fou, dehors, s’écrasant tambour battant contre ma porte. Elle va céder d’une seconde à l’autre. Je m’essuie les mains sur mon t-shirt et je prends l’écran dans ma paume tremblante. J’hésite ; je le déverrouille.

Alors que la porte se brise en une pluie d’échardes qui crèvent ma peau, j’ouvre le message. Une créature sombre, colossale, aux membres dentelés et dressés comme une araignée géante, pénètre dans ma chambre en poussant des râles stridents, insoutenables ; elle me plaque au sol. Ses griffes éraflent ma peau, la transpercent, me déchiquètent, mais je ne peux pas crier. Une touffe de cheveux sales, d’un orange cramé, se dresse sur la tête de la chose, des gouttes de salive nauséabonde s’écoulant sur mon visage meurtri. C’est fini, je le sais, et je ne peux même pas crier à l’aide. Je n’aurais jamais dû ouvrir cette satanée boîte.

A côté de moi, par terre, je parviens à lire le message, ouvert sur l’écran fissuré. J’aurais voulu rire, mais je ne peux pas ; la créature laboure mon corps en fines lamelles, consumant le peu de vie qui reste en moi.

“Tu avais tant de potentiel.”



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