J’aime pas le Nouvel An. Enfin non, c’est plutôt qu’il y a des choses qui m’ennuient profondément dans ce début de fin de cycle annuel.J’aime les fêtes, les danses et les soirées tardives passées à regarder, le regard étourdi par les vapeurs d’alcool, la lueur froide et humide des lampadaires et les stroboscopes colorées. Mais je ne supporte pas cette introspection forcée, le “regarde donc tout ce que tu as pu accomplir cette année”. Je fais déjà ça un peu tous les jours, pas besoin d’en rajouter une couche. C’est toujours pour regarder vers l’avenir, pour se demander ce qu’on peut mieux faire, ce qu’on peut faire de plus (comme si on n’en en faisait pas déjà assez). Je sais déjà ce qui m’est arrivé l’année passée, et je me doute bien de ce qui m’attend pendant les mois à venir. Alors est-ce que j’ai besoin de parler de mes résolutions ? Apparemment, on ne change que par petits pas, et avec beaucoup de travail, pas du jour au lendemain (même si ce serait beaucoup plus facile si ça se pouvait se faire en un claquement de doigts).
Donc, conformément à cette agaçante et sempiternelle tradition, et dans un effort d’autocritique, j’ai décidé de répondre à une question que personne ne s’est posé : pourquoi ce nom de “background character”, (“personnage d’arrière plan” en anglais), au fond ?
Au départ, c’était un choix un peu absurde et stupide. Je voulais trouver un nom qui ait un sens, qui sonne bien, le meilleur nom que personne ne pourrait jamais trouver. C’était beaucoup trop de pression pour quelques mots, pour un choix qui n’aurait peut-être pas dû être un tel obstacle. Je me perdais dans des décisions inutiles ; il fallait que je revienne à l’essentiel, que je réfléchisse à ce que je voulais vraiment dire. Je suis fanatique de toutes ces choses qui sont généralement pleines de créatures et de mondes colorés, de PNJ, et d’enjeux trop dramatiques qui accompagnent les personnages principaux. D’aussi longtemps que je me souvienne (petit avertissement : ça va sonner prétentieux), je m’invente des histoires, des personnages et des mondes entiers dans ma tête. Certains ont existé pendant des jours, des mois, des années durant. Ils ont grandi avec moi, à mes côtés, en s’élevant et s’envolant, ou bien s’écrasant, n’atteignant parfois même pas l’âpreté du papier.
Et je ne me voyais pas comme un personnage principal, et ce n’est toujours pas le cas, d’ailleurs. Certes, j’ai besoin d’attention, comme tout le monde, cependant je préfère rester au fond, en arrière-plan, pour profiter du spectacle, avec quelques lignes de dialogue par-ci par-là, juste assez pour faire avancer une chimérique intrigue. Être un personnage secondaire me convenait bien à l’époque, même si c’est un peu trop étroit aujourd’hui. J’ai gagné en confiance (un tout petit peu, faut pas pousser le bouchon trop loin non plus), en style et en compétence, ou du moins je l’espère. J’ai jamais pensé que je voudrais être plus qu’un avatar périphérique, et en fait si. Je commence à comprendre un peu mieux qui je suis et ce que je veux. Je peux voir plus clairement où je finis, où je commence, et ça me fait réaliser à quel point ce chemin est gigantesque. Mais je veux gagner, pour une fois, je veux le faire pour moi.
C’est comme ça que j’ai commencé à poster des choses ici, sans réellement savoir ce que je voulais dire. Je ne voulais pas me restreindre d’une manière ou d’une autre dans ce que j’écrivais, et c’était une bonne idée. C’est pas la première fois que je le dis (j’ai tendance à me répéter, après tout) : j’avais besoin de quelque chose de plus structuré que mes pattes de mouche habituelles, d’un endroit où je pouvais mettre un fouillis de pensées sans me juger, où je pouvais me tenir en retrait et parler des choses que je voulais à qui voulait bien m’écouter, un prêche sans paroisse. Je pensais aussi que je ne tiendrai pas aussi longtemps, que mes idées s’épuiseraient beaucoup plus vite que ça, et apparemment ce n’est toujours pas le cas, ce qui est génial et un peu effrayant en même temps.
Je voulais écrire, c’est tout, encore et toujours. Une avidité profonde pour le langage, pour les mots en général, me pousse vers l’avant, jaillissant comme l’eau d’un ballon qui se dégonfle, aussi maladroite soit-elle. Parfois, cette urgence me tient en haleine la nuit, et parfois elle est si calme que je la sens à peine chuchoter. Et je me pose des centaines de questions chaque fois que je pose mon stylo sur une feuille : est-ce que ça sonne juste ? C’est pas trop cliché ? C’est pas trop mauvais ? Ne vaudrait-il pas mieux que je me taise ? Que vont penser les gens ? Peut-être que je devrais juste la fermer pour de bon ? Il disparaîtra un jour, ce doute dévorant. Et c’est vrai qu’il s’est estompé au cours des derniers mois, à chaque essai, nouvelle ou divagation aléatoire que j’ai réussi à publier.
Ce n’est pas vraiment une surprise, mais si j’ai choisi ce nom en particulier, et si je continue à poster ici, c’est probablement parce que je ne suis qu’une andouille un peu trop sentimentale. J’avais peur d’écrire, de rendre semi-publiques mes élucubrations, et aujourd’hui, je me réjouis d’avoir commencé. Ça pourrait être mieux, bien entendu, et c’est loin d’être parfait, c’est vrai, pourtant je commence à voir quelques progrès. Au tout début, je croyais que ce serait un long voyage sur le chemin silencieux d’une rédemption dont je n’avait pas besoin, dont je ne voulais que personne ne fasse partie. Aujourd’hui je sais que tout ça, c’était des conneries, mais ça m’a tout de même aidé à faire un pas de plus vers quelque chose, même si ce “quelque chose” n’est pas encore très clair. J’apprends à connaitre, à reconnaitre ce que j’aime et ce que j’aime moins quand je prends un stylo et du papier. Le nombre de textes et de phrases que j’ai furieusement mis au rebut me frustre toujours, seulement parfois, une idée n’en vaut pas la peine, quels que soient les efforts que je déploie.
Ce billet était un peu étrange, je l’avoue. Après tout, je voulais quand même mettre les choses au clair avant d’entamer la nouvelle année, et je m’en sors avec un exposé plutôt mou et décousu. Qu’est-ce que je veux dire, au fond ? Je m’embrouille moi-même la plupart du temps. Les idées sont vagues et confuses, difficiles à comprendre, alors que ce que je recherche, c’est la clarté. Ou peut-être pourrais-je simplement accepter le fait qu’il n’y a aucune signification dans ce que je dis. Accepter le non-sens, le flux continu d’un bruit de fond qui ne cesse de me parler. Et peut-être qu’un jour, je sortirai du carcan de ce “personnage de fond” dans lequel j’ai toujours cherché à m’enfoncer. En attendant, qu’est-ce que je vais faire ? Continuer à écrire, à publier des bêtises, à me soumettre à cette corvée sans fin qu’est l’œil extérieur, main dans la main avec mon orgueil et mes doutes intérieurs. Après tout, je suppose que c’est en forgeant qu’on devient forgeron.

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