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Seeing things from afar since 1996


Demi-soupir

Ouais, ok, d’accord.

Ca fait un moment que je n’ai ni écrit, ni posté quelque chose ici. Ces dernières semaines, il s’est passé trop de choses, à tel point que je n’ai pas eu le temps de m’y atteler à nouveau. Enfin, non, ça c’est pas vrai. C’est plutôt que je n’ai pas pris le temps de le faire. J’ai griffonné des idées dans les marges de ma vie, en essayant de les construire, de les tordre, de les etoffer, en vain. Je m’installe à mon bureau et je fixe mon écran noir, mes feuilles froissées, et rien n’en sort, du moins pas jusqu’à présent. Même l’encre a séché dans mes veines. Est-ce là la fin, ou plutôt suis-je en train de trébucher contre une impasse un peu plate ?

Peut-être que mon impatience a pris le dessus. J’avais l’habitude de penser que le temps était élastique, que les heures ne signifiaient rien, que la fatigue était seulement un sentiment, un état d’esprit. Et j’ai gaiement sombré dans des heures et des heures de travail, qui se transformaient trop vite en jours, en semaines, en mois. Je pars à l’aube, je reviens au crépuscule, c’est la même chose, encore et encore. L’impression de faire quelque chose de pas trop mal, mais de n’avoir de temps pour rien d’autre, m’a peu à peu envahi. Et je n’aime pas vraiment ça, je crois. Mais je vais m’y habituer, en tout cas je l’espère.

Je sais que c’est comme ça pour tout le monde, hein. Que c’est difficile pour chaque personne sur cette planète. Personne n’aime se lever tôt le matin pour aller travailler. Et je ne me plains pas de ça, de tout ça. Je ne sais juste pas si je serai capable de le faire indéfiniment. J’attends avec impatience le week-end, ces deux ou trois heures de maigre sommeil supplémentaires le samedi et le dimanche matin, et puis rebelote le lundi. Pour l’instant, c’est amusant, et j’ai hâte d’en voir plus. Mais cela signifie que je ne peux pas autant écrire. Et j’ai toujours la tête pleine de phrases maladroites et de mots grincheux, et pas le temps nécessaire pour les faire sortir. Ça craint, nan ?

Et parfois, c’est mon corps qui n’est pas tout à fait présent, qui me trahit, qui n’est pas tout à fait prêt à répondre à cet appel du devoir, en quelque sorte. Mon crâne est comme enfumé, brouillard, mes paupières trop lourdes ; le reste ne fait qu’empirer la situation. Quand je rentre à la maison, je n’ai plus de jus, nulle part, pas même une miette d’énergie qui me reste. Comme un mort-vivant, je me traîne dans les rues et les couloirs, me forçant à ouvrir mon ordinateur ou à mettre mes chaussures de course, en vain. C’est un sentiment d’impuissance qui m’envahit alors que je m’affale sur mon lit tous les soirs, les cheveux en bataille et la chemise vieille du jour.

Et puis, tout doucement, la culpabilité s’installe. Une culpabilité sans fin, honteuse, aigre. Petit à petit, elle s’insinue en moi, s’infiltrant dans les fissures de mon âme, entre les craquelures fourbes. Petit à petit, elle distille son poison léthargique, sa bile amère dans mes ruines déjà épuisées. Jusqu’au point où je ne peux même plus prendre un stylo, les articulations devenues gourdes d’angoisse. Mes doigts se recroquevillent autour de l’encre bleu-noir, mes jointures blanchissent, et je me fige. Si je n’y faisais pas attention, je pourrais me transformer en pierre. Certains jours, je pense que je plongerais volontiers dans les yeux de Méduse pour maintenir son regard glacial, alors que je me transforme en une statue parfaite d’ignorance figée et de défaillance désoccupée.

Est-ce que j’ai peur d’écrire à nouveau ? Est-ce que c’est ça ? Est-ce que c’est ça qui me rend malade au fil des jours, alors que mes nuits sont passées éveillées, à fixer le plafond lisse et vide de substance pendant ce qui semble être des heures ? Est-ce que c’est ça qui me fait scruter les pages blanches en frémissant, dans l’attente d’un remous devenu trop pressant pour l’ignorer ?

Ou peut-être que j’ai peur de me piéger dans une carrière dont je croyais, dur comme fer, ne rien vouloir. Je ne sais même plus. Ou peut-être que, tout simplement, je m’inquiète pour un rien. Que je me fatigue, que je m’use. Et que je m’enlise dans une routine qui ne m’aide pas tout à fait.

Dans l’ensemble, je pense que c’est surtout la chair de poule. Je suis en train d’exagérer, c’est sûr. J’ai moins de temps, et ça me fait peur, et le stress s’accumule, de plus en plus insurmontable ; mais est-ce que c’est bien juste moi contre le monde ? Pas vraiment, non. J’ai besoin de me calmer. Et alors, ça fait quoi, que mon rythme soit différent, maintenant ? J’ai toujours besoin de trouver cette étincelle, ce feu qui me pousse à aller de l’avant, quelque part dans l’obscurité dans laquelle je me complais. Parce qu’au bout du compte, je ne peux pas continuer à me juger aussi sévèrement que je le fais aujourd’hui. Je pourrais y aller avec un peu plus d’indulgence, non ?



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